[Etudiants] Fiche d’arrêt, les premiers rouages !

Ce billet s’adresse aux étudiants en première année de Droit. Lors de cette entrée à l’université, et dans le monde judiciaire, on va vous demander de comprendre les décisions rendues par les divers tribunaux et cours. Réaliser une « fiche d’arrêt » et plus tard un « commentaire d’arrêt », sera votre grande mission, si ce n’est, votre quête principale lors des deux premiers semestres de votre première année.

Alors nous le savons, tout est nouveau pour vous ! Et vous allez apprendre qu’en Droit, comme le disait mon professeur d’introduction au Droit et de Droit civil Jean-Louis Respaud, en Droit « le mot juste n’est pas juste un mot ! ». Chaque mot à son importance, et l’un ne peut pas être utilisé à la place de l’autre.

Ainsi, je vais tenter de vous expliquer comment comprendre du premier coup d’œil un arrêt pour le retranscrire dans une fiche d’arrêt avec les formulations adéquates.

I – Analyse d’un arrêt

Nous allons réaliser une fiche d’arrêt, par l’étude de l’arrêt rendu par la Cour de cassation réunie en deuxième chambre civile le 15 juin 1988 (ci-joint à la fin de l’article).

La première chose à faire est de bien lire chronologiquement les informations qui nous sont données au travers du texte.

La première partie à analyser est ce que l’on appelle le visa. Le visa est représenté par les différents articles sur lesquels les juges se fondent pour interpréter l’arrêt. Dans ce cas, le visa est composé des articles 1 et 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Ensuite dans cet arrêt vient ce que l’on nomme la solution de principe. Celle-ci est la réponse générale à la question posée dans l’affaire. La solution peut se trouver à la fin de l’arrêt, comme au début dans cet arrêt (le plus souvent à la fin je vous l’accorde).

Ce que nous devons étudier par la suite sont les faits matériels qui nous exposent un résumé de l’affaire, en clair : qu’est-ce qui s’est passé pour qu’il y ait un procès ? A coté des faits matériels, nous devons observer les faits judiciaires qui correspondent à l’instruction qui commence par l’assignation d’une partie devant un tribunal.

Comme je vous l’ai expliqué au sein du site, le tribunal qui est la première instance va rendre un jugement. Si l’une des parties au procès n’est pas satisfaite de cette décision, elle peut interjeter appel devant une Cour d’Appel. Cette dernière va rendre un arrêt qu’il faut absolument observer dans une fiche d’arrêt. C’est la décision de la Cour d’Appel. J’en profite ici pour vous rappeler qu’une Cour d’Appel CONFIRME ou INFIRME le jugement rendu par le tribunal.

L’avant dernière partie à comprendre est la solution d’espèce (ou solution de la Cour de cassation). Cette solution d’espèce va répondre à la question posée dans l’affaire mais au cas par cas (contrairement à la solution de principe qui y répond mais de façon générale).

La dernière partie enfin est le dispositif. Ici la Cour de cassation énonce sont « verdict » qui est, je vous le rappelle, soit :

  • CASSE, ANNULE et RENVOIE
  • CASSE et ANNULE
  • REJET

II – Ce qu’il faut mettre dans la composition de la fiche d’arrêt

Dans ce chapitre je vais vous expliquer tout ce que l’on doit mettre au mot près dans une fiche d’arrêt. Ces précieux conseils m’ont été appris par Mlle Delphine GALLAN, à l’époque chargée de travaux dirigés (TD) en Droit civil à l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse (UAPV). Bien évidemment ces conseils peuvent varier d’une université sur l’autre, mais cette méthode permet de bien comprendre les rouages d’une décision de justice, surtout en tant qu’étudiant de première année.

Dans cette fiche d’arrêt que devons-nous mettre ? Nous devons résumer la procédure et répondre à un problème de droit que nous auront définit au vu de l’arrêt.

Petit rappel :

La première instance est le Tribunal (de Grande Instance généralement).

La seconde instance est la Cour d’Appel.

La Haute Juridiction (qui n’est pas un 3e degré de juridiction) est la Cour de cassation.

Première étape :

En premier lieu, nous devons expliquer dans notre fiche d’arrêt qu’est-ce qu’il s’est passé pour que l’affaire soit portée devant les tribunaux ? Nous devons commencer l’explication par l’expression EN L’ESPECE, puis énoncer la date, et enfin terminer par l’explication des faits.

Exemple : « En l’espèce, le 10 juin 1998, monsieur B a causé un dommage à monsieur A »

Deuxième étape :

Celui qui engage le procès est appelé le DEMANDEUR. Par conséquent l’autre partie est le DEFENDEUR. Lorsqu’une personne engage un procès contre une autre on dit qu’elle ASSIGNE en justice. Et bien sûr l’assignation est portée DEVANT un tribunal.

Cela nous donne donc :

« le 25 août 1998, Monsieur A le demandeur ASSIGNE monsieur B le défendeur DEVANT le tribunal de grande instance (TGI) de Nîmes en réparation du préjudice subi à savoir que […] »

Précision : Il faut citer devant quel tribunal l’action est engagée. Si l’on ne connait pas le tribunal on dira alors : Devant un tribunal de grande instance INCONNU.

Troisième étape :

Maintenant que l’on sait qui assigne qui, il serait judicieux de connaître la décision rendue par le tribunal. Il y a deux, voire trois, possibilités :

  • Soit le Tribunal FAIT DROIT A LA DEMANDE
  • Soit le Tribunal REJETTE LA DEMANDE
  • Soit le Tribunal REND UNE DECISION INCONNUE

Quatrième étape :

Si le tribunal rejette la demande de M.A, ce dernier n’est donc pas satisfait de la décision rendue. Dans ce cas on dit que A INTERJETTE appel devant la Cour d’Appel (cité devant quelle Cour d’Appel, auquel cas mettre « devant une Cour d’Appel inconnue ») aux motifs que […]
De ce fait on dit que A est L’APPELANT et B L’Intimé.

Cinquième étape :

Comme je vous l’ai expliqué la Cour d’Appel CONFIRME la décision rendue (est d’accord avec le tribunal) ou INFIRME la décision rendue (n’est pas d’accord avec le tribunal).

Sixième étape :

Si la Cour d’Appel confirme le jugement, on dit que A FORME UN POURVOI en Cassation. Dans ce cas la Cour de cassation a 3 possibilités qui sont les suivantes :

  • Soit elle CASSE, ANNULE et RENVOIE
  • Soit elle CASSE, ANNULE (et statue)
  • Soit elle REJETTE le pourvoi.

Septième étape :

Ca y est nous avons résumé les faits. Maintenant il nous reste à poser le problème de droit qui va nous conduire à notre commentaire d’arrêt. Attention ce problème de droit va prendre la forme d’une QUESTION GENERALE.

Quand nous aurons posé notre problématique, nous devrons bien évidemment y répondre. Partie assez simple étant donné que nous devons recopier la solution (de principe !) de la Cour de cassation.

Je vais maintenant appliquer les conseils des 7 étapes à notre arrêt :

En l’espèce, à une date inconnue, l’automobile de M. Z heurta et blessa mortellement M. Jean Louis X, qui descendait de sont véhicule qu’il venait d’immobiliser sur la chaussée après avoir heurté une voiture qui le précédait et qui avait fortement ralenti en raison d’un nuage de fumée provenant d’un feu allumé par M. Y.

A une date inconnue, Mme X, demanderesse, agissant en son nom propre et en représentation de ses enfants mineurs, assigne M. Z et M. Y devant un tribunal inconnu en réparation de son préjudice. Le tribunal ne fait pas droit à la demande*.

A une date inconnue, Mme X, intimée, interjette appel devant la  Cour d’Appel de Riom*. La Cour d’Appel confirme le jugement rendu en première instance au motif que « au moment de l’accident, Jean Louis X était toujours le conducteur et le gardien du véhicule à moteur dont il descendait et non un piéton pouvant bénéficier des dispositions de l’article 3, alinéa 1, de la loi du 5 juillet 1985, alors surtout que ses fautes de conducteur sont une des causes de l’accident » (recopie de la décision).

Le 15 juin 1998, Mme X forme un pourvoi en cassation. La Cour de cassation estime qu’ « en statuant ainsi par application de l’article 4 de la loi précitée alors qu’elle constatait que la victime se trouvait hors de son véhicule lorsqu’elle avait été heurtée, de sorte qu’elle ne pouvait plus être considérée comme un conducteur, la Cour d’Appel a violé par fausse application le texte susvisé ».

Par ces motifs, la Cour de cassation CASSE et ANNULE l’arrêt rendu par la Cour d’Appel et RENVOIE les parties devant la Cour d’Appel de Riom autrement composée.

Les juges ont dû se poser la question suivante :

« L’indemnisation des victimes d’un accident de la route, impliquant un véhicule terrestre à moteur, est-elle systématique ? »

A cette question, les juges ont répondu de la manière suivante :

« Les victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur sont, hormis les conducteurs desdits véhicules terrestres à moteur, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident ou à moins que la victime n’ait volontairement recherché le dommage qu’elle a subi » (recopie).

* déduction

Un commentaire d’arrêt est toujours structuré de la manière suivante :

  • I) A – B
  • II) A – B
    • Attention : Un commentaire d’arrêt n’est pas une dissertation. Bien que la problématique soit générale, il faudra dans chacune des parties, faire référence à l’arrêt attaqué.

      Bonne rentrée à tous !

Autres articles dans Etudes & Carrières

Le don de sang et l’homosexualité

On devrait croire, à juste titre, que toute personne saine de corps et d’esprit peut librement donner son sang. Et pourtant. Même si les réserves sont de plus en plus minces, les homosexuels – des hommes entretenant des rapports sexuels avec d’autres hommes – sont écartés des donneurs potentiels.

L’enfant est-il responsable de ses actes ?

La Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence par deux arrêts de son Assemblée plénière qui ont définitivement abandonné l’imputabilité comme élément de la faute délictuelle. L’arrêt de la seconde chambre civile de la Cour de Cassation du 12 décembre 1984 s’inscrit dans cette continuité.(1)